Le sucre du Pacifique
- Loleleme
- 12 nov. 2021
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 janv. 2022
Le vaïsi, "l'eau du si" en wallisien, était utilisée bien avant l'introduction du "suka", le sucre du commerce aujourd'hui utilisé. Le Si (ou "karokaro" ou "qui" ou "ti" dans d'autres endroits du Pacifique), plante utilisée pour produire le sirop traditionnel, est plus communément connu sous le nom de cordyline terminalis.
Plante connue des jardins tropicaux, on la trouve aussi sous la forme d'une plante d'appartement ailleurs dans le monde. Son feuillage est vert ou violet.

La fabrication du sirop de cordyline demandait un travail long et physique. Elle a été totalement abandonnée dans la plupart des îles du Pacifique.
Paul Pétard, pharmacien colonial, a écrit un ouvrage éthno-botanique très intéressant et complet sur la plante en 1946 (voir le lien en cliquant sur la couverture en image).
Fabrication traditionnelle du sirop de cordyline (le vaisi en wallisien) :
La fabrication de ce sirop était une tâche communautaire. A Wallis, les villageois se réunissaient pour aller déterrer les rhizomes de cordyline dans le toafa (la partie non habitée de l'île) où la plante pousse à l'état sauvage.
Les racines au goût sucrées mais extrêmement coriaces en texture étaient ensuite lavées, puis cuites au umu (le four traditionnel sous la terre, identique à quelques variantes près dans toutes les îles Polynésiennes).
Après 4 à 5 jours de cuisson, le four était déterré pour en sortir les racines ramollies, collantes de sucre et gorgées d'un sirop brun. Les racines étaient coupées, broyées et pressées pour en extraire un jus qui était ensuite réduit par cuisson afin d'obtenir un jus épais, foncé et sucré aux saveurs très empyreumatiques.
C'était une tâche très physique, harassante qui a été délaissée avec la commercialisation du sucre importé commercialisé.
Fabrication plus récente du "vaïsi" en images :

A Wallis, comme ailleurs dans Pacifique, beaucoup des mets sucrés sont préparés (comme le riz rouge (le laïsi kula) par exemple...) avec un caramel que l'on sur-cuit afin d'obtenir un sirop très foncé et un peu âcre.
On comprend pourquoi en goûtant le vrai "vaïsi"...
Il y a quelques années, je me suis lancé avec l'aide de mon frère de coeur, Paino, dans la fabrication fastidieuse (surtout à 2...), du vaïsi, le sirop de cordyline. Nous avons inventé une méthode d'extraction un peu différente de la méthode ancestrale par pressage (faute de presse...), mais tout aussi efficace : la dilution puis la réduction du jus obtenu.
A partir de 10 kg de rhizomes et après plusieurs jours de labeur, nous avons obtenu 2 petites bouteilles d'un précieux nectar, épais comme un sirop de canne à sucre mais foncé, sucré et un peu amer, un peu comme un caramel trop cuit. Le test auprès d'anciens du village était concluant, le sirop obtenu, c'était bien le vaïsi d'antan :
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